vendredi 2 février 2018

Ahed Tamimi, 17 ans aujourd'hui, dans les geôles de Netanyahou


L’évènement in l’Humanité du 31 janvier 2018

PROCHE-ORIENT

Ahed Tamimi, 17 ans aujourd'hui, dans les geôles de Netanyahou

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Ahed Tamimi a 17 ans aujourd'hui. Elle les « fête » dans un uniforme marron de prisonnière, au fond d'une cellule israélienne. Cette jeune Palestinienne, dont le visage est maintenant connu dans le monde entier, a osé défier la soldatesque israélienne qui venait de défigurer, par le tir d'une balle métallique enrobée de caoutchouc, son cousin Mohammed. Elle a donné une claque à un militaire, des coups de pied à un autre. La scène a été filmée. Le gouvernement d'extrême droite israélien a décidé d'en faire un exemple. Il l'a fait arrêter en pleine nuit, le 15 décembre. Le ministre israélien de l'Éducation (sic), un colon, souhaite qu'elle finisse sa vie en prison. Son procès a été reporté au 6 février. Ahed n'est pas seule dans ce cas : 350 mineurs palestiniens sont aujourd'hui emprisonnés. Ils sont traités comme des adultes. La plupart du temps, ils subissent des interrogatoires sans la présence de leurs parents ou d'un avocat, au mépris des conventions internationales. Les chiffres montrent que les enfants sont maintenant particulièrement ciblés par la répression israélienne, qui veut sans doute écraser dans l'oeuf la révolte de la nouvelle génération de Palestiniens. Tel-Aviv bénéficie du silence complice des capitales internationales, comme dans le cas du Franco-Palestinien Salah Hamouri, au cinquième mois de sa détention administrative.

 

Ahed Tamimi, un visage pour les 350 mineurs palestiniens détenus


PIERRE BARBANCEY

Elle a 17 ans aujourd'hui. L'adolescente palestinienne arrêtée le 15 décembre encourt sept ans de prison pour avoir défié les soldats israéliens. À travers elle, est posé le sort des enfants arrêtés par l'occupant au mépris des lois internationales.

 

Ses geôliers israéliens vont-ils apporter un gâteau d'anniversaire à Ahed Tamimi ? La jeune fille « fête » aujourd'hui ses 17 ans. À l'âge où, comme l'écrivait Rimbaud, « on n'est pas sérieux », la voici au fond d'une cellule, éloignée de sa famille, de ses amis, parce qu'en Palestine occupée une enfant est vite confrontée à l'horreur militaire, à la violence des colons, au manque de liberté, à l'impossible avenir. Alors, forcément, quand on est palestinien, on est sérieux, même à 17 ans.

 

Ahed est de Nabi Saleh, à une vingtaine de kilomètres de Ramallah, en Cisjordanie. Un village qui a toujours été en révolte contre l'occupant et qui l'a toujours payé chèrement. Depuis 2010 ­ elle n'avait que 9 ans ­ des manifestations pacifiques et non violentes s'y déroulaient chaque semaine. Réponse simple de l'armée israélienne : gaz lacrymogène, balles de métal enveloppées de caoutchouc et balles réelles. Jusqu'en 2016. À 15 ans, Ahed, dont le père, Bassem, est l'un des leaders de la contestation (et arrêté à plusieurs reprises), voit 350 villageois blessés par les Israéliens. L'année précédente elle s'était elle-même affrontée à la soldatesque en empêchant, avec d'autres, qu'un militaire arrête un petit garçon, plus jeune qu'elle. Sur une photo on la voit, avec ses tresses blondes, en jean, vêtue d'un tee-shirt rose, se débattre pour faire lâcher prise au soldat israélien dont la main, comme un étau, lui enserre le visage. La résistance comme morale de vie.

 

En ce mois de décembre 2017, Ahed, comme tous les Palestiniens, est révoltée par la décision de Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël. Une colère qui s'exprime sur l'ensemble des territoires palestiniens. À Gaza, Ibrahim Abou Thouraya, 29 ans, est tué par les tirs israéliens. Il se trouvait sur une chaise roulante parce qu'il avait perdu ses deux jambes lors d'une attaque sur la bande de Gaza en 2008. En Cisjordanie les manifestations se multiplient.

 

UN COUSIN D'AHED, MINEUR, EST TOUCHÉ EN PLEIN VISAGE PAR UNE BALLE


 

Le 15 décembre, les jeunes lanceurs de pierres palestiniens ­ qui encourent plus de dix ans pour ce geste de gavroche depuis que le Parlement israélien a voté une nouvelle loi qui concerne tous les Palestiniens quel que soit leur âge ­ affrontent l'une des armées les plus puissantes et les plus équipées au monde. Mohammed, 14 ans, un cousin d'Ahed, mineur, est touché en plein visage par une balle en caoutchouc dont la force est telle qu'elle peut briser une mâchoire, voire tuer si elle tape le coeur. On imagine la douleur et la colère de la jeune fille quand elle aperçoit, devant la maison familiale, deux soldats israéliens. La voilà qui sort de chez elle avec sa cousine pour leur dire de partir. Ils ne bougent pas. Ahed en gifle un, donne des coups de pied à l'autre. Aucun ne bronche. La scène est filmée avec un téléphone portable. La vidéo va vite faire le tour des réseaux sociaux et devenir virale. L'utilisation de l'image ne saurait être seulement dans les mains du dominant.

 

Tout va ensuite très vite. Une grande partie de l'opinion publique israélienne y voit un outrage contre « l'armée la plus morale du monde » et parle de provocation orchestrée. David n'est pas toujours celui qu'on pense et ça fait mal ! Le gouvernement droite-extrême droite israélien, dirigé par Benyamin Netanyahou et dont le ministre de la Défense n'est autre qu'Avigdor Lieberman (il avait déclaré, en 2015, que tous les Arabes israéliens qui ne sont pas fidèles à Israël devraient « être décapités à la hache »), ne se fait pas prier. Dans la nuit du 18 au 19 décembre, un peu avant l'aube, les soldats investissent la maison. Ils menottent Ahed et l'emmènent. Le 20, elle est présentée devant un tribunal militaire israélien. « Elles doivent finir leurs vies en prison », éructe Naftali Bennett, ministre israélien de l'Éducation (sic) à l'encontre d'Ahed, de sa mère, Nariman, et de sa cousine Nour, elles aussi arrêtées.

Le 1er janvier, le procureur d'un tribunal militaire israélien a requis douze chefs d'inculpation contre Ahed et cinq contre sa mère. Nour a été inculpée pour agression aggravée et atteinte à des soldats en fonction.

 

Ahed Tamimi est devenue un symbole de l'acharnement israélien contre ces jeunes Palestiniens. Leurs arrièregrands-parents ont subi la Nakba (la catastrophe) en 1948, leurs grands-parents ont rejoint les fedayins, leurs parents ont participé à la première Intifada, puis ont placé leurs espoirs dans les accords d'Oslo.

Durant l'année 2017, 6 742 Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza ont été détenus. Parmi eux, 1 467 enfants. Leurs grands frères ont fait la seconde Intifada. Eux sont les enfants d'Oslo. Chômeurs, lycéens, ouvriers ou étudiants, ils ne croient plus en rien, sauf en leur liberté. Une liberté étouffée par l'occupation israélienne, piétinée par des colons haineux et racistes dont l'impunité est patente.

 

Le cas d'Ahed Tamimi et de sa famille inquiète et dérange les autorités israéliennes, qui ne reculent devant rien pour éteindre l'incendie et l'émotion perceptible dans le monde entier. Elles veulent maintenant faire croire qu'il ne s'agit pas d'une vraie famille. Une commission secrète de la Knesset, qui s'est réunie en 2015, a examiné si « les membres de la famille ont été choisis pour leur apparence ­ blonds, aux yeux bleus et à la peau claire », a malencontreusement révélé un ministre israélien, qui parle de « Pallywood » et remet en cause le port à l'envers d'une casquette de base-ball. « Même les Européens ne portent pas de casquettes de base-ball arrière », croit-il savoir.

 

LE PROCÈS D'AHED A ÉTÉ REPORTÉ AU 6 FÉVRIER


 

Les chiffres de la répression sont pourtant là, terribles, fournis par plusieurs organisations palestiniennes, dont Addameer et le Club des prisonniers. Ils montrent surtout que l'occupant israélien a décidé de cibler les enfants comme s'il voulait tuer dans l'oeuf toute résistance. Ainsi, en décembre 2014, ils étaient 156 mineurs emprisonnés. Ils sont 350 aujourd'hui, soit plus du double. Or, dans le même temps, le nombre total de prisonniers palestiniens a augmenté de moins de 1 %. Il faut également prendre en compte les arrestations, les rafles, opérées particulièrement à Jérusalem-Est. Ainsi, durant l'année 2017, 6 742 Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza ont été dé tenus. Parmi eux, 1 467 enfants. En décembre 2016, 29 % des enfants détenus étaient résidents de Jérusalem-Est.

Des chiffres qui ne sauraient masquer la violence infligée à ces mineurs. Ils sont traités comme des adultes, arrêtés sans ménagement, souvent extirpés de leur lit en pleine nuit. 97 % d'entre eux sont interrogés sans la présence d'un avocat ou d'un parent, au mépris de toutes les lois et de la 4e convention de Genève et de la Convention des droits de l'enfant. Celle-ci stipule, dans son article 37, que l'emprisonnement d'un enfant ne doit advenir qu'en cas d'extrême nécessité. La plupart du temps, les interrogatoires durent vingt jours, et ce n'est qu'à l'issue qu'une inculpation est prononcée. Durant ces interrogatoires toutes les mesures de coercition sont utilisées, comme par exemple la menace de faire venir une soeur ou une cousine, ce qui, dans une société conservatrice, est profondément déstabilisant pour un jeune garçon à qui l'on fait croire que sa culpabilité a été confirmée par un tiers. Quand ils ne sont pas emprisonnés, ces enfants sont souvent placés en résidence surveillée pendant plusieurs mois.

 

Le procès d'Ahed devait avoir lieu aujourd'hui. Il a été reporté au 6 février, à la demande de son avocate, afin d'obtenir « plus de temps pour bien étudier le dossier », ainsi que l'a précisé le père, Bassem Tamimi. Elle est passible de sept ans de prison. Elle porte maintenant l'uniforme marron des prisonniers. Malgré cela, ses yeux pétillent, ses boucles blondes tombent en cascade sur ses épaules, défiant l'enfermement et l'occupation. Ahed a 17 ans aujourd'hui.

 

6 300 C'est le nombre de Palestiniens emprisonnés par Israël, dont 350 enfants, 58 femmes (dont 9 mineures), 450 détenus administratifs, 10 députés et 22 journalistes.

 

 

UN ADO DE 16 ANS TUÉ À RAMALLAH Le ministère palestinien de la Santé a informé hier qu'un adolescent de 16 ans a été tué par des tirs de soldats israéliens au nord de Ramallah, en Cisjordanie occupée.

 

 

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